La donation en nue-propriété vous permet de faire d’une pierre, deux coups : vous commencez à transmettre tout en conservant l’usage et les revenus courants du bien.
La propriété est démembrée si plusieurs personnes détiennent des droits différents sur un bien : on parle d’usufruitier (occuper le bien, percevoir les revenus) et de nu-propriétaire (détenir le bien en pleine propriété quand l’usufruitier sera décédé).
De plus, cette transmission est fiscalement avantageuse car seule la nue-propriété donnée est taxée, pas l’usufruit que vous conservez. L’évaluation de la nue-propriété est faite grâce à un barème fiscal en fonction de l’âge que vous avez lors de la donation :
Votre âge (usufruitier) |
VALEUR de l’usufruit |
VALEUR de la nue-propriété |
Jusqu’à 20 ans |
90 % |
10 % |
De 21 ans à 30 ans |
80 % |
20 % |
De 31 ans à 40 ans |
70 % |
30 % |
De 41 ans à 50 ans |
60 % |
40 % |
De 51 ans à 60 ans |
50 % |
50 % |
De 61 ans à 70 ans |
40 % |
60 % |
De 71 ans à 80 ans |
30 % |
70 % |
De 81 ans à 90 ans |
20 % |
80 % |
Plus de 91 ans |
10 % |
90 % |
Plus vous transmettez jeune, plus l’assiette imposable est réduite !
Lors de votre décès, le donataire (nu-propriétaire) deviendra plein propriétaire sans taxation supplémentaire.
Donc non seulement la valeur de l’usufruit n’aura pas été taxée, mais il en ira de même de toute l’éventuelle plus-value sur le bien.
Vous pouvez effectuer une donation seul ou avec votre conjoint au profit de la personne de votre choix qui en sera nu-propriétaire.
Si vous donnez à un mineur ou à une personne protégée (tutelle, curatelle…) l’acceptation de la donation peut nécessiter l’assistance de son représentant.
La donation peut porter sur tout type de biens (immeubles, meubles, portefeuille titres, parts sociales, etc.). En tant qu’usufruitier vous pourrez utiliser le bien et en percevoir les revenus. Vous ne pourrez pas vendre le bien sans l’accord du nu-propriétaire car il a vocation à devenir plein propriétaire lors de votre décès.
Vos droits et obligations respectifs seront différents selon la nature du bien donné. S’il s’agit, par exemple, d’un bien immobilier vous devrez effectuer les dépenses d’entretien utiles pour le maintenir en l’état et le donataire nu-propriétaire devra prendre à sa charge les gros travaux (ex : réfection de toiture).
Vous pouvez rédiger une convention de démembrement pour définir la répartition du paiement des charges (travaux, impôt, etc.)
En principe lorsque vous vendrez le bien démembré vous vous répartirez le prix de vente en fonction de la valeur respective de vos droits.
Vous avez aussi la possibilité de choisir :
- de conserver le démembrement en remployant le prix de vente dans un nouveau bien démembré,
- de prévoir un usufruit particulier sur le prix de vente, appelé « quasi-usufruit ». Vous pourrez dépenser librement la somme d’argent comme si vous en étiez plein propriétaire mais vous devrez rendre l’équivalent au nu-propriétaire à la fin de l’usufruit.
Ce choix peut avoir lieu lors de la vente mais vous pouvez aussi l’anticiper et l’inclure au sein de la convention de démembrement.
Le donataire devient immédiatement et définitivement propriétaire des biens donnés : la donation est irrévocable. De plus, elle sera prise en compte pour calculer la part qui revient obligatoirement à vos enfants à votre décès (réserve héréditaire). Elle pourra donc être réduite ou annulée si elle empiète sur ces parts « réservées » et son bénéficiaire pourrait devoir indemniser vos enfants lésés.
Si vous êtes marié sous un régime de communauté de biens, vous devez obtenir l’accord de votre époux (se) si le bien donné est commun.
Vous pouvez aussi faire la donation ensemble ce qui permettra, par exemple à vos enfants de « doubler » les abattements fiscaux applicables entre parents et enfants (2 x 100 000 €).
Si le bien que vous souhaitez donner en nue-propriété est soumis à un dispositif de défiscalisation (Scellier, Pinel, Malraux, etc.) la donation entraîne la rupture de l’engagement de conservation. Vous perdrez ainsi la réduction d’impôt pour l’avenir et celle obtenue par le passé sera également reprise.
Si vous êtes soumis à l’IFI (impôt sur la fortune immobilière), la donation de la nue-propriété n’a aucun impact car vous restez taxable sur la valeur de la pleine propriété.
La donation est faite avec réserve d’usufruit (puisque vous donnez uniquement la nue-propriété) et peut être complétée par une clause de réversion de l’usufruit, particulièrement fréquente entre époux. Il existe alors 2 usufruits successifs : un usufruit actuel et viager à votre profit et un usufruit successif au profit d’un tiers (souvent le conjoint). Il existe dès la donation, seul son exercice est différé au moment de votre décès (si le bénéficiaire vous a survécu). Le donataire ne récupère la pleine propriété du bien qu’au décès du second usufruitier. Cette clause permet d’assurer un revenu à votre conjoint désigné (notamment par la perception de loyers), ou lui permet d’occuper un logement.
Avantages et inconvénients
AVANTAGES |
INCONVÉNIENTS |
Transmission fiscalement avantageuse. |
Donation irrévocable. |
Conservation de votre train de vie (usage et revenus). |
Accord du nu-propriétaire pour vendre le bien. |
Convention de démembrement possible pour adapter le fonctionnement à vos attentes. |
IFI sur la valeur de la pleine propriété. |
Possibilité de payer la taxation à la place de vos donataires (sans coût supplémentaire). |
|
C’est votre notaire, qui rédige, enregistre et conserve l’acte de donation.
Vous pouvez adapter la donation à vos attentes (ex : obliger votre enfant à investir le prix de vente de telle façon, jusqu’à une certaine date).
Impôt sur les biens donnés
La donation est taxée en fonction du lien qui existe entre vous et le donataire mais également de la valeur de la nue-propriété (en fonction du barème ci-dessus). Si vous donnez à vos enfants, ils bénéficient d’abattement et exonération, si les conditions sont remplies :
- 100 000 €, tous les 15 ans, quel que soit le bien donné,
- 159 325 € en cas de handicap.
Si la valeur du bien est supérieure à ces seuils ou si ces abattements ont été en tout ou partie consommés, le reliquat du don sera taxé selon un barème progressif entre 5 et 45 %.
Ces abattements sont cumulables. Vous pouvez payer la taxe à la place de vos enfants sans que cela ne constitue un coût supplémentaire.
Frais de notaire
La rémunération du notaire est tarifée : il perçoit des frais proportionnels à la valeur du bien donné (en pleine propriété), calculés par tranche. Les taux TTC vont de 1,2204 % (valeur du bien ≥ 60 000 €) à 5,9172 % (valeur du bien < 6 500 €). Il peut vous accorder, dans certains cas, des remises.
Autre taxe
Si la donation porte sur un bien immobilier vous devrez également payer la taxe sur la publicité foncière dont le montant est de 0,60 % (+ un prélèvement de 2,37 % calculé sur le montant de cette même taxe) et une contribution de sécurité immobilière de 0,1 % sur la valeur du bien en nue-propriété.
François a 59 ans et a deux enfants, Guillaume et Julie. Son patrimoine total est estimé à 800 000 € dont sa maison, évaluée à 300 000 € et des appartements locatifs, évalués à 500 000 €. Il souhaite commencer à transmettre son patrimoine à ses enfants, tout en conservant les revenus locatifs.
Si rien n’est fait
Lors du décès de François, son patrimoine est évalué à 800 000 €. Chaque enfant se partage la moitié soit 400 000 €.
Après imputation de l’abattement de 100 000 € applicable entre parents et enfants, ils seront taxables tous deux sur 300 000 €. Chaque enfant devra payer une taxation de ± 58 000 €.
Si une donation de la nue-propriété est effectuée
François souhaite conserver les loyers qu’il perçoit des appartements. Il pourrait donc effectuer une donation de la nue-propriété de ces biens (évalués à 500 000 €).
Compte tenu de son âge (59 ans), son usufruit est évalué, d’après le barème fiscal ci-dessus à 50 % de la pleine propriété. La valeur de la nue-propriété est donc également de 50 %.
Pour chaque enfant, la donation sera taxée comme suit :
Valeur de la pleine propriété : 500 000 € / 2 : 250 000 € par enfant.
Valeur de la nue-propriété taxable : 250 000 € x 50 % : 125 000 €.
Après imputation de l’abattement de 100 000 € applicable entre parents et enfants, ils seront taxables tous deux sur 25 000 € (125 000 – 100 000 €). Chaque enfant devra payer une taxation de ± 3 000 €.
A son décès, l’usufruit s’éteint et Guillaume et Julie deviendront plein propriétaires des appartements sans taxe supplémentaire. Le patrimoine restant à transmettre s’élève à 300 000 €, soit 150 000 € chacun. Si François décède plus de 15 ans après la donation, ils bénéficieront de l’abattement de l’abattement de 100 000 euros et seront donc taxables sur 50 000 €. Chaque enfant devra payer une taxation de ± 8 000 €, soit une taxation globale par enfant (donation + succession) de ± 11 000 €, soit une économie de 47 000 €.